2. Voyage autour du monde


Même si l’âge d’or du graffiti semble être révolu dans les années 90, cet art persiste à vivre ou survivre car sa pratique est interdite du moins contrôlée, il faut donc obtenir des autorisations sinon c’est un acte considéré comme du vandalisme. Mais l'une des seules armes qui fonctionnent avec pacifisme contre le désespoir et la misère, c'est bien l'expression, les mots, les images... Les villes où l'on retrouve le plus de graffitis sont souvent celles dont la population est de classe sociale pauvre et vit dans des situations précaires. De nos jours, un milliard de personnes vivent dans un bidonville et la jeunesse qui en fait parti préfère utiliser les bombes aérosols que les nucléaires.




On trouve beaucoup de peintures murales dans les favelas en Amérique du sud. Par exemple la favela Santa Marta, à Rio de Janeiro, dont tous les murs ont été repeints pour que la chaleur de l'arc en ciel remplace la froideur du gris. Après le tournage d'un documentaire sur le hip hop, Jeroen Koolhaas et Dre Urhahn, ont décidé d'y imposer leur style, et d'aider la communauté par la même occasion. C'est ainsi que les jeunes du quartier se sont transformés en peintres, et la favela terne et grise a laissé place à une palette de couleur pleine de vitalité. Cela peut paraître anodin mais apporte un énorme changement de décor et donc d’ambiance dans la ville.
Santa Marta avant
Santa Marta après



En Afrique, le deuxième plus grand bidonville du continent, Kibera à Nairobi (Kenya), compte un million deux cent milles personnes pour deux kilomètres carrés. Ne voyant aucune issue pour leur avenir, les jeunes lavent des voitures, des vêtements et travaillent dans l'agriculture, ainsi ils réussissent à survivre. Mais cette injustice, comment la faire voir aux autres ? Comment exprimer ses sentiments ? La solution, la délivrance, ils l'ont trouvée dans la peinture. Pendant les émeutes de janvier et février 2008, suite aux élections présidentielles, Samuel Okoth Odwar accompagné de ses amis décident de protester en envahissant les murs de Kibera avec des dessins et des lettres. 
Plus la violence accroissait plus il y avait de graffitis pour la paix, pour la liberté et contre la guerre. Cette résistance par les couleurs permet aux jeunes de rêver et d'espérer un monde meilleur, sans misère, et à leurs lieux de vie d'être moins lugubre. Les oubliés de la Terre s'adressent donc au ciel :



















Ensuite nous avons les ghettos de New York, qui sont certainement les lieux les plus importants dans le monde du graffiti contemporain. Les graffeurs ont peu à peu cessé le « graff sauvage », c'est-à-dire sur les rames de métro, pour prendre possession de bâtiments aux alentours de la ville et les transformer à la fois en un squat et en une vaste surface à peindre. La plupart des graffitis sont des tags, des blazes et n'ont un but qu'esthétique mais malgré sa rareté l'engagement reste présent. Certains américains vont jusqu'à utiliser les murs en tant que publicité pour le candidat qu'ils soutiennent.

 Le mur de 8 mètres de haut, qui sépare Israël de la Palestine, symbolise tout le conflit du Proche Orient. Les uns le nomment la « clôture de sécurité » les autres le nouveau « mur de la honte ». Avant de s'attaquer à la grande politique, deux jeunes palestiniens, Yousef Najimeddien et Karis, décident de combattre le gris du béton pour embellir l'horizon. Ainsi ils écrivent des phrases envoyées par des gens de part et d'autre du monde et se servent donc de ce mur de séparation en tant que mur de communication, ce paradoxe offre matière à réflexion. Et si on leur demande pourquoi ils font ça ils réponde seulement « C'est le gris. ».
En revanche d'autres palestiniens, restés anonymes, transmettent directement leurs messages par le graffiti, comme par exemple cette colombe qui représente la paix avec son kéfié illustrant la résistance palestinienne mangée par un monstre qui met en image la notion d'argent. 




Mais sur ce mur les graffitis les plus percutants et porteurs d'un message lourd sont bien ceux de Banksy. Ils représentent soit la percée de ce mur soit des hommes qui réussissent à le transpercer, à le trouer ou bien à passer par dessus. Ils illustrent donc l'abolition de cette séparation, la paix entre les palestiniens et les israéliens ainsi que la liberté de ces deux peuples d'aller d'un côté à l'autre et de respirer l'air, de voir l'azur du ciel au lieu de cette barre de béton. Dans son livre, Wall & Piece, il nous conte cette anecdote : lorsqu'il peignait le mur de séparation, un habitant lui dit : « vous embellissez le mur ». Banksy, se sentant complimenté : « Merci, c'est gentil », le vieil homme lui rétorqua aussitôt : « On ne veut pas que ce mur soit beau, on ne veut pas de ce mur, rentrez chez vous ».